Les statines, quand sont-elles réellement utiles ?
Enfin, une revue d’envergure internationale se penche sur l’intérêt des statines et remet en cause leur intérêt. Il était temps ! Quel scandale faudra-t-il attendre avant d’arrêter d’en prescrire larga manu ? Martin Lasalle de PasseportSanté.net (www.passeportsante.net) a résumé dans le bulletin hebdomadaire du 2 février 2011 « Cholestérol et maladies du cœur : une étude remet en question l’utilité des statines en prévention », l’article scientifique qui fera peut-être bouger la communauté médicale. (1. Taylor F, Ward K, Moore THM, et al, Statins for the primary prevention of cardiovascular disease, Cochrane Database of Systematic Reviews, 19 janvier 2011, CD004816, DOI: 10.1002/14651858.CD004816.pub4.
2. Heneghan C, Considerable uncertainty remains in the evidence for primary prevention of cardiovascular disease (editorial), The Cochrane Library, 19 janvier 2011).
28 janvier 2011 – Les médecins devraient y penser à deux fois avant de prescrire des statines – un médicament anticholestérol – en prévention d’un premier événement cardiaque, chez des personnes affichant un faible risque de maladies du coeur.
C’est la mise en garde qu’émet la revue américaine Cochrane1 – réputée pour sa rigueur scientifique et sa neutralité – à la lumière d’une analyse de 14 études portant sur l’efficacité de ce médicament auprès de 34 000 personnes.
Les statines forment une famille de médicaments fréquemment prescrits pour abaisser le taux de cholestérol sanguin en vue de réduire le risque d’incident cardiaque, tel l’infarctus.
Si ces études concluent à un léger effet protecteur sur le risque de décès de toutes causes, cet effet serait essentiellement le fruit « d’erreurs méthodologiques qu’elles comportent », écrivent les auteurs.
Ceux-ci ont relevé certains éléments pouvant biaiser les résultats des études analysées :
• jusqu’à 10 % des participants recrutés pour ces études avaient des antécédents cardiaques ou affichaient un risque élevé de maladie du coeur (ex. : diabète, cholestérol élevé, hypertension);
• plus de la moitié des études recensées ne font aucune mention des effets indésirables pouvant résulter de la prise du médicament;
• les deux études comportant le plus de participants ont été interrompues prématurément, menant ainsi à une surestimation des résultats;
• toutes les études, à l’exception d’une seule, étaient parrainées par une compagnie pharmaceutique.
Peu de données sur les effets indésirables
« Toutes ces erreurs sapent la validité des résultats », écrit le chercheur anglais Carl Henegan, dans un éditorial2 accompagnant l’analyse des 14 études.
Celui-ci considère d’ailleurs « inacceptable » qu’autant d’études omettent de rapporter les effets indésirables des statines sur les patients.
« Il devient malaisé de se fier à ces études pour soupeser les bienfaits et les dangers de ces médicaments pour des patients à faible risque », ajoute-t-il.
Les auteurs de l’analyse des 14 études vont même plus loin. « Chez les personnes à haut risque (risque de décès de 20 % ou plus sur 10 ans), les bienfaits supplantent les dommages potentiels à court terme, mais les effets indésirables à long terme demeurent inconnus. »
Selon eux, ce manque d’information sur les effets indésirables à long terme est d’autant plus préoccupant que les statines sont de plus en plus prescrites à des adultes de moins de 50 ans affichant un risque élevé de maladies du coeur.
Enfin, les chercheurs se disent inquiets de la participation de l’industrie pharmaceutique dans le financement et l’élaboration des essais cliniques portant sur l’effet des statines.
« Il est bien établi que les études parrainées par l’industrie sont plus susceptibles de rapporter des résultats qui préfèrent le médicament au placebo », concluent-ils.
Que veut dire être à « faible risque »?
Une personne est considérée à faible risque lorsque, sur une perspective de 10 ans, le risque de mourir de toute cause est inférieur à 10 % et celui de subir un incident cardiaque (mortel ou non) est de moins de 20 %.